Voilà à peu près 500 ans, les orcs commencèrent à envahir les fertiles plaines de ce qui deviendrait plus tard la Glorieuse Union d'Hâvrebois. Elles étaient pratiquement désertes, mis à part quelques colons ithoriens. Mais l'installation ne fut pas aussi facile qu'on aurait pu le croire.
Afin de construire leurs villes, il leur fallut trouver des matériaux de construction.... Il s'attaquèrent aux forêts alentour, notamment au nord de la future Karmir.
Chaque jour, les bûcherons, en groupe de deux ou trois, avançaient davantage dans cette forêt, coupant énormément de bois et faisant fuir leurs rares habitants.
Mais un jour, un groupe s'étant aventuré plus loin que les autres ne revint pas. Le lendemain, on retrouva leurs carcasses à moitié déchiquetées, à l'orée du bois.
Shamans et chasseurs les observèrent, et ils parvinrent à la conclusion unanime qu’ils avaient été attaqués par des bêtes sauvages. Probablement de gros loups. Mais autre chose attira leur attention : Ils avaient encore en mains leurs armes, mais ils semblaient n'avoir pu s'en servir : pas la moindre trace de sang sur leurs lames…. Et d’étranges brulûres recouvraient les corps de certains.
Il y eut une certaine ébullition parmi les tailleurs d'arbres, car les gnutags tombés étaient de valeureux guerriers, choisis comme bûcherons pour leur grande force. Mais les constructions devaient continuer, aussi l'abattage des arbres se poursuivit.… jusqu'à ce que trois autres groupes de bûcherons disparaissent, presque simultanément, avant de réapparaître, tous dans le même état que les autres, à l'orée de la forêt nouvellement tracée par les orcs, sans aucune trace des meurtriers.
Un mouvement de protestation s'éleva. Il fallait trouver les resposables de leurs morts, ces bêtes dangereuses, et les exterminer afin d’être à nouveau tranquille. Aucun orc ne voulait retourner dans la forêt avant que les loups, si c’en étaient bien, soit anéantis.
On pria alors tous les Dieux de donner la victoire au gnutags, et on organisa une immense battue.
On tua quelques chauve-souris, de très grosses araignées et même un petit slaad qui semblait perdu dans la forêt. Mais rien qui n’aurait pu être la chose qui avait attaqué les bûcherons.
De plus, grâce à cette battue, les érudits comprirent à quel point les orcs étaient désamparés dans la forêt. Ils n’étaient pas habitués à ce milieu, ne s’y déplacaient pas vite, n’y voyait pas aussi loin que dans les plaines et se retrouvaient vite perdus au milieu des grands arbres.
On se mit à appeler les créatures les « Esprits de la Forêt », et une crainte indomptable s’empara des orcs. La version la plus courante sur ces êtres, était qu’il s’agissait d’Esprits de héros, de bêtes sauvages ou de Démons qui refusaient de suivre le Hibou, et dont les âmes tourmentées attaquaient ceux qui pénétraient dans leur Forêt Sacrée. On disait que Gornagh lui-même les protégeait.
Ceux qui étaient ressortis vivant du lieu affirmaient que l’on y voyait parfois des éclairs bleus ou verts, que l’on voyait les branches ou les feuilles bouger, on entendant d’étranges gémissements, des grognements rocailleux, mais on n’apercevait jamais rien.
Les shamans offrirent des sacrifices aux Dieux, les priant d’apaiser les Esprits de la Forêts, et déposèrent des offrandes à l’orée de la forêt.
Ils délimitèrent également à l’aide de petits rubans colorés et d’amulettes un périmètre à ne pas dépasser. Qui s’aventurait plus loin dans la forêt ne serait plus protégé par leur magie et risquait de ne jamais revenir.
Les travailleurs, rassurés par la magie des amulettes, et sachant toujours à peu près où ils étaient, recommencèrent à couper le bois en observant religieusement la limite, et il n'y eut plus de morts à déplorer pendant de nombreux cycles.
Puis, la légende commença à s’estomper, et un groupe d’adolescents orcs qui ne voyaient là que racontars pour effrayer les orquinots, et qui voulaient prouver leur valeur et leur courage, décidèrent d’aller couper de magnifiques arbres plus avant dans la forêt. En effet, la partie autorisée du bois devenait de moins en moins exploitable.
Ils partirent de bon matin, portant fièrement leurs haches brillantes sur l’épaule. Ils étaient sept. Seul l’un d’eux revint.
Il se nommait Yrkh et affirma que les « Esprits » étaient des loups qui avaient le pouvoir d’altérer la vision, de faire croire à des choses qui n’existaient pas. Il affirma qu’ils étaent extraordinairement rapides, régénéraient de leurs blessures plus vite que la normale, étaient bien plus puissants que des orcs, et commandaient même à la Forêt. Lui-même avait été retenu prisonnier par des végétaux. Et ces loups étaient également doués de parole.
Yrkh affirma que son cousin, N’fr, l’apprenti shaman, lui avait sauvé la vie en répondant à une question d’un des loups, et que ce même Esprit-Loup lui avait dit ces mots exacts : « Toi, tu es libre. Cours dire à tes frères que cette forêt appartient aux « Esprits de la Forêt », comme vous nous appellez, et que quiconque s’aventurera à nouveau dans notre domaine sera puni de mort. ».
Yrkh était persuadé que son cousin allait lui aussi réapparaître sain et sauf, mais il ne revint jamais. On le considéra comme mort.
Plus jamais l’interdit en fut transgressé. On faisait régulièrement des sacrifices aux Esprits-Loups afin de les apaiser.
Comme le bois autorisé ne fournissait plus le moindre arbre apte à la construction, on s’attaqua aux forêts plus au Nord…. C’était Edalië, le domaine des elfes, qui ripostèrent aussitôt à la blessure faite à leur Mère la Forêt en tuant nombre d’orcs. Une guerre sanglant s’ensuivit, au cours de laquelle la perfidie elfe fit des ravages chez les orcs puissants.
Les Peaux-Vertes perdaient de plus en plus de terrain et voyaient avec rage arriver le moment où ils devraient se replier contre les montagnes de leurs origines.
C’est alors qu’arriva un être étrange. Certains affirmaient l’avoir vu sortir de la Forêt Interdite. Il était habillé d’une cape de peaux de bêtes non travaillée. A sa ceinture pendaient deux petites haches de lancer. Sa tête était recouverte d’une capuche, et son visage était masqué par un morceau de bois ovale, parfaitement lisse et blanc, recouvert de dessins noirs. Seules deux petites fentes permettaient à l’être de voir.
Sa peau était verte comme celle d’un orc, et parlait la langue du Peuple de la force à la perfection.
Des guerriers tentèrent de l’attaquer, mais il esquiva tout avec une aisance irréelle. On le conduisit aux chefs, auxquels il déclara être N’fr Rrorg, celui qui avait disparu dans la Forêt Interdite. Il annonca qu’il venait leur apporter son savoir afin de combattre les elfes.
Il apportait avec lui la ruse, l’effroi, l’art de l’harmonie avec son environnement et celui de la dissimulation.
Sujet: La Légende des Esprits-Loups