Il y a bien longtemps, un grand shaman dont l'oeil n'avait de cesse de scruter les rêves eut une vision : "Devant moi, un sanglier tient dans sa gueule une branche. Il la dépose à mes pieds. Je la plante dans la terre, un jeune chêne pousse rapidement, atteint ma propre taille. Cet arbre me dit : Ce que tu méprises va venir et te rendre rouge".
En des temps anciens, le monde avait été secoué par un combat Titanesque entre les Dieux. Lorsque le dieu le plus puissant fut capturé, avec l'aide des shamans Orcs, il fut blessé. Trois gouttes de sang tombèrent sur Terre. De cette Union naquit trois fils, trois demi-dieux; trois sangliers. Leur taille était sans commune mesure avec ce que nous connaissons. D'aucuns disent qu'ils dépassaient les cîmes des arbres et que d'un coup de sabot, ils pouvaient fendre une montagne.
Ils érigèrent de sombres desseins contre le peuple Orc qui avait causé la perte de leur père. Ils commencèrent à pourchasser et à massacrer nos ancêtres. Les Survivants, les plus forts, les plus résistants, se réfugièrent dans les Montagnes Pourpres.
Le peuple orc vécut disséminé dans les grottes de la montagne en oubliant les anciennes prophéties. Ils vécurent sous la terre pendant plusieurs générations pour fuir le terrible fléau que les dieux avaient lancé sur eux.
Certains disent que c'est depuis cette époque que nos yeux préfèrent l'obscurité à la pénombre de la nuit, mais laissons cela, c'est une autre histoire.
Le plus dur était la quête de nourriture. Les guerriers sortaient par petit groupe pour chasser et ramener quotidiennement du gibier. Nombreux étaient ceux qui ne revenaient pas !
Un jour, Garnak Nâl Kortak menait les chasseurs dans la vallée. La chasse avait été bonne et la joie était dans les coeurs. Les orcs imprudents remontaient la vallée, leur proie sur l'épaule. Ils chantaient et se disputaient sur le chemin du retour, lorsque le sol se mit à trembler.
Des paquets de neige que le printemps n'avaient pas encore chassé tombaient des sapins, la rocaille glissait le long de la paroi. La troupe accèlera mais il était déjà trop tard.
Le dos de la bête écartait les arbres sur son passage. Résignés, les orcs se préparèrent à faire face. Deux, trois conifères s'applatirent devant eux et sortant du couvert, le Sanglier chargea. En un coup de défense, trois valeureux guerriers furent mis en pièce. Leurs corps inertes retombèrent à plusieurs dizaines de mètres de là.
Garnak et les sept, huit guerriers qui restaient, fous de rage, de douleur et de peur plongèrent sur le Sanglier. Malgré les terribles coups qu'ils portèrent, l'épais pelage de crins ne laissa que peu de doute sur leur efficacité.
Déjà la bête commençait sa moisson et les orcs n'attendaient plus que le Hibou qui, dans sa barque, emmène les guerriers les plus braves.
Seul restait Garnak face au monstre qui finissait de piétiner un de ses orcs. Il en appella à Rasgor et hurla sa rage et son désespoir si fort que le temps sembla se suspendre. Le Sanglier baissa la tête et dans un fracas de tonnerre plongea sur l'orc. Tout semblait aller au ralenti, Garnak esquiva la charge en s'applatissant au sol.
Laissant passer la tête de la bête, il s'accrocha à son ventre. Là où les crins étaient bien moins drus et bien moins nombreux. Secoué en tous sens, cinglé de toutes parts, il sortit son couteau en os et s'attaqua au cuir souple du ventre. Le monstre hurla sa douleur et tenta par tous les moyens de se débarasser de l'intrus. Garnak continua inlassablement de lacérer les chairs et presque la moitié de son corps avait pénétré dans les entrailles du Sanglier. Ce dernier, aveuglé par la douleur qui envahissait son être se roulait au sol, se frappait contre les parois de la montagne. Pour enfin, après un jour et une nuit, dans un râle d'agonie, se jeter du haut d'un précipice et mettre fin à ses souffrances, emportant dans la mort Garnak Nâl Kortak.
Rasgor dont l'attention avait été attirée par le cri de Garnak, n'avait pas manqué une miette du combat. Impressionné par le courage, la détermination et l'abnégation de l'orc, il le releva et lui tendit une coupe du sang.
- "Dans cette coupe coule le sang divin, le sang d'Ephréak fils du puissant parmi les puissants et de la déesse Terre. A celui qui a su abattre Ephréak, l'un des trois frères, je donne la force, et à son peuple, je donne la force. Vous serez désormais connu sur et sous cette terre comme le peuple de puissance, le peuple de la force."
Sujet: Le Totem du Sanglier